Burkina Faso

Burkina Faso, une chronique de Renald Mailhot

Je tiens depuis toujours à visiter l’Afrique, mais je ne veux pas faire un voyage d’un mois avec un groupe organisé où je couche dans des hôtels chics. Je ne veux pas non plus voir dix capitales dans les pays les plus riches en dix jours. Je veux prendre contact avec les Africains, les côtoyer dans leur milieu de vie.

Tout vient à point à qui sait attendre. En 2004, j’apprends que Carrefour canadien international (CCI), basé à Montréal, offre des stages en Afrique dans différents organismes, dont un qui s’occupe des sidéens. À ce moment-là, je suis membre du Conseil d’administration du Bureau régional d’action sida de Gatineau (BRAS). Je vois une annonce dans laquelle on recherche un candidat pour faire la formation des travailleurs sociaux au Burkina Faso où il n’existe pas de cours universitaire en service social.

Je soumets ma candidature et je suis choisi. Je passerai 5 mois à Ouagadougou, la capitale du pays.

À mon arrivée, l’organisme qui m’accueille est en train de construire un nouvel édifice pour offrir de meilleurs services. Un intervenant me montre où se trouvera mon bureau. Il n’y a aucun meuble. Ils doivent arriver d’un jour à l’autre. Pour le moment, je m’assois par terre. Je passe beaucoup de temps à parler avec les intervenants pour comprendre leur approche et leur manière d’intervenir. Je parcours quelques documents qui m’aident à connaitre l’organisme. Trois semaines après mon arrivée, je trouve un pupitre dans mon bureau, mais je n’ai toujours pas de chaise. La famille qui m’accueille m’en prête une.

J’ai en effet demandé à vivre dans une famille, car je veux prendre contact avec le quotidien des gens. Le propriétaire de la maison, Ben, est un artiste. À mon arrivée, il achève de confectionner de belles cartes de Noël pour donner aux différents bienfaiteurs locaux et étrangers.

Je suis surpris par la capacité d’empathie des Burkinabés et leur compréhension. Il est vrai qu’un certain nombre d’intervenants sont eux-mêmes sidéens, alors ils connaissent très bien la problématique. Certaines sont mères de famille et ont des enfants à la maison. La grand-mère est habituellement la gardienne durant les heures de travail. Le plus pénible arrive quand une intervenante a un épisode de paludisme, ce qui se produit régulièrement. Il y a toujours quelques travailleurs sociaux absents lors des réunions.

Avant mon départ du Canada, j’avais été informé que la famille qui allait m’héberger avait une petite fille de 8 mois, Amina. Je lui chante les chansons de mon père : ti-galop, ti-galop, ti-galop, et hop, gros galop, gros galop, gros galop… Elle rit aux éclats.

Une autre découverte. Avec mon arrivée, nous ne serons pas quatre, car il y a un frère du propriétaire qui est revenu de la Côte d’Ivoire avec son jeune garçon de 7 ou 8 ans quelques mois plus tôt. Ils craignaient pour leur vie. En plus des cousins qu’on accueille à l’occasion. La famille est un concept inclusif et la maisonnée s’y adapte.

Le propriétaire de la maison m’emmène bientôt avec lui dans une vieille Jeep à l’intérieur de la forêt, un trajet à plus de 2 heures dans la brousse, pour en rapporter les écorces et des branches qu’il utilise pour préparer l’indigo et une teinture végétale qui est utilisée dans l’art du bogolan, un artisanat du pays. La vente de son artisanat est une partie de son gagne-pain. Il a intégré son frère dans son équipe qui comprend déjà deux ou trois de ses beaux-frères et des voisins. L’indigo est une concoction faite avec l’écorce d’un arbre local. Elle devient bleue lorsque l’écorce est trempée dans l’eau. La maisonnée compte régulièrement 8 personnes à table, mais le papa a ajouté ma place! Je me sens bien accueilli.

J’apprends en vivant au Burkina qu’il y a clairement deux Afriques, la blanche et la noire. La blanche, est située au nord du Sahara, alors que la noire occupe le sud. Il y a aussi des populations arabes qui sont descendues dans le sud : les Berbères, les Égyptiens, etc. Ils ont fait un grand commerce d’esclaves africains, depuis le 7e jusqu’au 19e siècle. Contrairement à ce qu’on laisse souvent entendre, l’esclavage n’a pas été le seul fait des chrétiens blancs!

J’ai aimé les personnes que j’ai côtoyées au Burkina Faso. La statuette qui illustre mon texte me rappelle les pièces d’artisanat local rapportées pour ma famille. Et l’autre photo, est celle des gens qui m’ont accueilli chez eux, la famille de Ben l’artiste.

Adieu, cher Ouagadougou et ton beau peuple rieur. Je ne vous oublie pas.

Renald Mailhot

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