Quel beau retour aux sources !

Un récit de Carol Goulet

En 1955, après la St-Jean Baptiste, toute la famille se rend à la Gare Centrale de Montréal, où nous vivons maintenant.  Oui!… parce que nous les trois enfants partons en train pour se rendre chez notre grand-mère en Nouvelle-Écosse.  Nous disons un beau bonjour à nos parents, car nous irons sans eux et ne les reverrons qu’à la fin de l’été pour la rentrée scolaire. 

Nous sommes très excités, sans aucune peur.  Notre père qui travaille pour le CPR a une passe gratuite et il s’est organisé avec le personnel pour que tout roule sur les roulettes.  Comme de fait, en arrivant à nos bancs réservés, des petites cartes d’oursons sont tout simplement là, affichant chacun notre nom écrit par nos parents, pour nous accueillir.  Quel beau départ !  Ronald, notre grand frère de onze ans prend bien soin de ses deux petites sœurs de neuf et dix ans.  Après 25 heures de train, nous voici rendus dans une très petite gare en Nouvelle-Écosse, où un taxi nous attend et nous amène chez notre grand-mère à Great Village. 

Nous voici donc, dans cette petite maison, d’une chambre à coucher, un poêle à bois, un puits et une bécosse.  Mais nous, on s’en fout parce qu’il y a le beau gros chien Bimbo, la forêt et en avant de l’autre côté de la route, un bras de mer de la baie de Fundy nous attend à bras grands ouverts avec ses marées les plus hautes du monde.

Notre tante de cinq ans mon aînée, à ses quinze ans, est en visite. Elle nous fait découvrir la bouette et la glaise de la baie.  Nous attendons que la marée montante rugissante arrive à notre hauteur au bout du bras de mer et à ce moment-là, nous y poussons la chaloupe et aussitôt, nous avons un plaisir fou.  Un peu plus loin au large, nous nous amusons tellement à sauter et à plonger dans l’eau salée de la baie que, même si les vagues énormes chavirent notre petite embarcation, nous continuons.  Mais avec la marée qui descend et qui automatiquement  nous emmène plus loin vers le bas, nous nous éloignons de notre point de départ.  Donc, après un certain temps, nous attachons la chaloupe à un arbre et retournons, à pied dans cette bouette quasiment jusqu’au califourchon, à notre petit ruisseau qui coule dans ce bras de mer.  Là, c’est le temps du lavage.  Woussh… l’eau est frette!  Mais il le faut bien, les pores de notre peau sont pleins de glaise.    On est rouges !  Faut ben l’enlever c’te bouette.

Donc, le lendemain, nous remarchons à l’inverse avant que la marée soit trop haute, jusqu’à l’endroit où nous avions attaché la chaloupe et de là, nous attendons la marée montante qui nous portera à l’inverse pour le retour, toujours avec autant de plaisir, jusqu’à notre point de départ, le ruisseau à l’eau frette.  Brrrrr.

Et puis, il y a la forêt avec un autre ruisseau et ce marécage.  De cet arbre dans lequel nous grimpons en s’agrippant aux vignes qui pendent, nous nous lançons dans les airs en criant : « Tarzan, Jane ».  On se retrouve encore dans l’eau, mais cette fois-ci, c’est de l’eau plus chaude.  Et c’est tellement amusant.  YOUPIE !  Dans l’eau encore.

Notre grand-mère qui ne nous surveille pas, mais pas du tout, nous appelle de sa voix criarde : ‘’LES CHATONS, LES CHATONS…’’

Tout de suite, nous courons la rejoindre dans cette petite maison où du bon pain tout frais cuit nous attend.  YUM, YUM…  Que c’est bon !  Et puis ce gros Bimbo que nous promenons dans la brouette à bois. Nous sommes tous les quatre très heureux, Hihi hi… Wouf…

Nous ‘’The french lady’s grandchildren,’’ comme les voisins nous désignent, sommes privilégiés par ce voisinage anglophone qui s’occupe très bien de notre grand’mère qui ne parle toujours pas anglais ; si ce n’est que quelques mots pour se dépanner, du genre : egg, milk, .10 cents et etc. 

Elle n’a jamais voulu quitter la tranquillité que lui procurait ce paradis dans cette belle nature, malgré la solitude de son veuvage depuis cinq ans déjà et le départ de tous ses enfants. Elle restera seule pour un autre vingt ans, soit jusqu’en 1975.

Je la remercie encore aujourd’hui de m’avoir laissé, en héritage, une certaine force de caractère paisible et ces beaux souvenirs du retour à nos sources qui me font tellement vibrer encore aujourd’hui.

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