Un récit de Carol Goulet
Le lendemain matin, nous faisons du pouce tout près du Jardin Botanique. Une auto arrête ; j’embarque, mon frère s’installe en avant et s’occupe de tout. Arrivés à Laval, nous descendons.
Alors, mon frère me chuchote : ‘’Carol, quand on est des enfants qui voyageons sur le pouce, on met les bagages en premier dans l’auto, ensuite les deux enfants embarquent en même temps dans la voiture. Comme ça le chauffeur ne part pas avec un seul des enfants.’’ Ho… Quelle leçon il m’enseigne là. Je me dis : ‘’Ouais, ce n’est pas la première fois que mon frère voyage de cette façon.’’
Après plus ou moins 25 kilomètres parcourus en quelques pouces, nous sommes rendus dans la forêt, complètement à l’autre bout du champ de vaches de l’ancienne maison où nous habitions auparavant. Encore une fois, Ronald s’occupe de tout : faire le lunch sur un petit feu, couper des branches pour monter la charpente de notre abri et couper d’autres branchages pour le lit. Oui, nous dormirons sous cette toile, très confortablement toute la nuit dans cette forêt accueillante avec ses plantes et ses arbres odorants, le bruissement des feuilles sous une douce brise, les manifestations sonores des animaux diurnes et nocturnes, sans oublier les pas de certains d’entre eux fouinant autour de nous.
Au petit matin, nous sommes réveillés par des visiteurs : ’’MEUHHH – MEUHHH – MEUHHH…’’ Mais, pourquoi serions-nous effrayés par ces belles grosses vaches dans le marais juste à côté ? Peut-être que, quelques-unes se souviennent de nous ? Sans hésiter, Ronald et moi allons les rejoindre pour flatter leurs gros museaux chauds, secs, mous, pis tellement doux… Ah, nous revivons les plaisirs du temps, quand nous les caressions à travers la clôture à l’arrière de la maison.
À aucun moment je suis craintive, car je suis habituée de vivre des aventures avec mon frère. C’est peut-être de l’insouciance, mais c’est tellement emballant.
Tous les deux avons suivi, à notre façon, des sentiers inconnus qui nous attiraient. Lui est devenu professeur à l’école de foresterie de Duchesnay, près de Québec, après avoir été musicien et photographe. Sur ses terres, il a planté beaucoup d’arbres, beaucoup d’arbres. De mon côté, j’ai vécu plein d’aventures assez audacieuses, mais avec prudence, et tenté des activités parfois excentriques aux yeux des autres. Même aujourd’hui encore, j’aime aller hors des sentiers battus. Rien n’est parfait, mais très rarement je me dis : ‘’J’aurais dont aimé faire ça… ou j’aurais dont dû…’’
Je crois que cette expérience d’enfance, entre autres, m’a incitée à expérimenter qui j’étais. Je pense qu’elle m’a enseigné à affronter l’anxiété et la peur. À mon âge, elle m’aide encore à vivre plus sereinement.