Promoteur des attraits de Québec

 Promoteur des attraits de Québec durant l’été 1960
         par Achille Joyal

Après une année d’études à l’Université Laval, j’ai occupé un emploi très agréable durant l’éclosion de la Révolution tranquille. Ce fut la conduite d’une calèche au service de touristes en majorité anglophones, le plus souvent originaires des États-Unis.

Ce fut ma première expérience de conversation suivie en anglais; j’ignorais que j’allais côtoyer des anglophones durant presque toute ma carrière d’enseignant.

Dûment informé par des compagnons d’études initiés à ce travail, je descendis au quartier Saint-Roch pour la prise de possession de la calèche et son moteur chez un entrepreneur au nom prédestiné, Jack Power. Il m’assigna une jument grise qu’il appelait Daisy (Pâquerette/Marguerite). Voulait-on faire croire aux braves Étatsuniens que les chevaux québécois préféraient se faire parler anglais?

 La bonne vieille Daisy, empreinte de ‘British reserve’ à force d’entendre la langue de Shakespeare, se montra généralement docile, malgré les dépassements un peu ‘cavaliers’ des automobilistes. Telle une auto ‘passée date’, elle aimait bien descendre les côtes, surtout le soir quand je la ramenais à l’écurie. Elle était parfois essoufflée. Étant de race canadienne, peut-être était-elle fatiguée d’entendre des conversations unilingues…

En tout cas, son oreille s’accoutuma vite à mon anglais scolaire que certains enrichirent de locutions croustillantes que je n’ose répéter. Je n’eus pas à soutenir de longs débats avec les visiteurs fortunés : ils aimaient croire que les « natives » allaient toujours se montrer de gentils collaborateurs, comme sous Duplessis, dont ils pouvaient bien ignorer le décès survenu un an plus tôt. Savaient-ils que le Québec venait d’élire la fameuse « Équipe du tonnerre » ? La politesse exigeait de s’intéresser à eux; il ne fallait pas les contrarier. Suivant l’usage des gens qui se connaissent peu, nous évitions de parler politique et surtout de religion. D’ailleurs, ils s’intéressaient à l’architecture de la vieille capitale plutôt qu’à son histoire récente. Leurs préoccupations étaient centrées sur l’élection présidentielle du 8 novembre : certains souhaitaient, d’autres redoutaient l’avènement de John Kennedy.

Ce dépaysement culturel vécu chez soi fut une expérience enrichissante à tout point de vue : certains marquaient leur appréciation avec un pourboire de couleur verte.

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